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24 juin 2011 5 24 /06 /juin /2011 15:39

Dans un précédent billet, j’ai raconté en détail la course telle que je l’ai vécue, sans fournir d’analyse quantitative du déroulement de l’épreuve. Dans ce billet-ci, je me propose de dépouiller les données à ma disposition pour en retirer quelques leçons personnelles et pour former un jugement sur la qualité de ma gestion de course (mais pas sur ma performance).

 

Je dispose de deux sources de mesures pour ma participation aux 100 km de Steenweck de nuit : (i) les pointages effectués à intervalles réguliers par les organisateurs tout au long de la course, publiés pour chaque coureur sur la page « Résultats » du site internet des 100 km, et (ii) l’historique de relevés effectués par ma montre Garmin, qui contient des mesures fréquentes de distance, de temps et de fréquence cardiaque.

 

Les pointages effectués par l’organisation permettent une comparaison assez poussée de la gestion de course des arrivants, et fournissent une vue d’ensemble sur le rapport entre la performance chronométrique et la qualité de la gestion de course du peloton. La course comporte une petite boucle de 4.3 km, suivie de 5 boucles identiques de 19.146 km. Sur le parcours de chaque boucle, 3 pointages sont effectués, à intervalles constants mais pas tous identiques. Au total, on dispose de 15 relevés de passage par coureur, pour les distances suivantes : 8.33 km, 16.78 km, 23.43 km, 27.47 km, 35.92 km, 42.58 km, 46.62 km, 55.06 km, 61.72 km, 65.76 km, 74.21 km, 80.86 km, 84.9 km, 93.35 km, et 100.0 km. Il est donc facile de construire une courbe qui montre, à chaque pointage, la vitesse moyenne cumulée depuis le départ, mais exprimée en pourcentage de la vitesse moyenne sur l’intégralité de la distance. On s’attend à une baisse progressive de ce pourcentage, ce qui traduit un début de course à allure élevée, suivi d’une fatigue progressive. Une bonne gestion de course suppose un pourcentage initial faible (mais supérieur à 100%), suivi d’une baisse faible et très progressive dans le temps à mesure que le coureur approche de la ligne d’arrivée. En regard de cette courbe, on peut ajouter la courbe des vitesses moyennes successives sur les tronçons compris entre deux pointages. Elle explique les effets de baisses temporaires d’allure sur la vitesse moyenne cumulée.

 

Dans mon cas, j’obtiens le graphique suivant :

 

Vitesse_FXF.JPG

 

La vitesse moyenne sur la distance totale de 100 km est de 9.34 km/h. Sur le premier tronçon de 8.33 km, j’affiche une vitesse moyenne de 10.14 km/h, soit 108.7% de la vitesse moyenne. La baisse sensible d’allure au pointage du km 27.47 s’explique par les 2 minutes 30 que j’ai consacrées à changer de chaussures au pointage précédent, au premier passage à la salle des sports. Le deuxième épisode de baisse de régime, réel celui-ci entre le marathon et le km 55, correspond à mon entrée formelle dans l’ultra et l’expression d’une certaine « retenue » dans l’allure, par crainte de connaître un coup de moins bien. Je connais ensuite une légère accélération dans le quatrième et avant-dernier tour, quand j’acquiers la certitude de terminer les 100 km. Enfin, le dernier tour, après le pointage au km 81, donne lieu à un certain relâchement puisque je suis sûr de finir en moins de 10h45 : sur les 7 derniers kilomètres, je progresse à environ 92.5% de la vitesse moyenne, soit 8.64 km/h. On voit bien que, passée la mi-course, je n’ai plus été capable, à aucun moment, d’avancer à une vitesse au moins égale à la vitesse moyenne totale. Il faut dire que j’avais cessé de contrôler l’allure moyenne sur ma montre Garmin, et j’étais passé à une gestion de l’allure par tour de 19.1 km.

 

J’ai comparé ces chiffres avec ceux obtenus pour les 33 arrivants classés en moins de 12 heures, et on observe le même profil général, avec quelques variantes : on relève une baisse continue de la vitesse moyenne cumulée au cours des kilomètres, ponctuée pour certains coureurs par de vrais coups de moins bien qui se traduisent pas de la marche pendant plusieurs kilomètres, ou bien par des arrêts prolongés.

Certains coureurs ont démarré l’épreuve à une vitesse très (trop) élevée, quelquefois atteignant plus de 135% de la vitesse moyenne sur 100 km. Ces coureurs ont presque toujours payé cette débauche d’efforts initiaux en connaissant des périodes de ralentissement pendant lesquelles leur vitesse chute de moitié et n’atteint que 65% de leur vitesse moyenne globale. Le graphique ci-dessous en fournit un exemple.

 

Vitesse_Exemple2.JPG

 

 D’autres, plus réguliers et plus raisonnables, se sont bridés au départ et ont très peu dévié de leur vitesse moyenne finale tout au long de la course.

 

Vitesse_Exemple1.JPG

 

Je me situe dans une bonne moyenne, je pense, ayant réussi à ne courir qu’à 109% de ma vitesse moyenne sur les 8 premiers kilomètres de la course, et ne tombant qu’à 92% de cette même vitesse moyenne dans les tout derniers kilomètres, juste avant de passer la ligne d’arrivée.

 

On remarque que le sixième relevé (42.58 km) correspond presque exactement à la distance du marathon, tandis que l’antépénultième relevé (84.9 km) correspond pratiquement au double de la distance du marathon. Intuitivement, il est tentant de se servir de ces deux points de repères, en plus de la distance finale de 100 km, pour calculer deux indicateurs simples de gestion de course pour chaque coureur, puis de les rassembler dans un graphique ayant en abscisse les temps aux 100 km et en ordonnée ces deux indicateurs. On obtient ainsi une vue d’ensemble de la qualité de gestion de course de tous les arrivants en moins de 12 heures. J’ai défini ces deux indicateurs de la façon suivante : le premier indicateur montre la déviation du temps au double marathon par rapport au temps au marathon et je le définis comme étant égal au rapport de ces deux temps, lui-même divisé par le rapport des distances (84.9/42.58, soit 1.99). Si cet indicateur a une valeur supérieure à 1, il montre de manière synthétique un ralentissement pendant le deuxième marathon, ralentissement d’autant plus prononcé que la valeur s’éloigne de 1. Le second indicateur est calculé sur le même principe, mais le double marathon est remplacé par la distance finale de 100 km. La comparaison de ce deuxième indicateur avec la valeur du premier indicateur permet de détecter une éventuelle dérive complète ou un quasi-épuisement dans les 15 derniers kilomètres de la course. Ces deux indicateurs sont identiques, dans l’esprit, à ceux qui mesurent l’endurance d’un coureur en reliant ses meilleurs temps sur des distances de plus en plus lentes, avec cette différence qu’ici on mesure en quelque sorte l’endurance à l’intérieur d’une même épreuve.

 

On obtient alors le graphique suivant, dans lequel l’intuition recherche une dérive qui serait une fonction croissante de la baisse de performance, c'est-à-dire des valeurs d’autant plus élevées que les temps d’arrivée augmentent. On constate que ce n’est pas systématiquement vrai, mais qu’il existe une certaine concentration de faibles valeurs, entre 1.03 et 1.08, pour les temps d’arrivée inférieurs à 10h30, ce qui dénote une répartition assez régulière des efforts pour les coureurs de la tête de peloton, tandis que les arrivées plus tardives colonisent un intervalle compris entre 1.10 et 1.31, à de rates exceptions près. Pour me situer dans ce peloton, j’ai isolé dans le graphique les valeurs des indicateurs qui me concernent en choisissant des couleurs différentes (vert et orange).  Je constate que je ne me situe pas trop mal, avec 1.05 au double marathon, soit une perte de temps de 5%, et 1.07 sur 100 km.

 

All33Chart.JPG

 

 

A titre de complément d’information, et pour revenir à une mesure de gestion de course familière aux marathoniens, j’ai regardé mon split sur les 100 km en comparant mon temps sur les 50 premiers kilomètres à celui sur les 50 derniers kilomètres : 5h06:38 contre 5h36:06, soit un split de 29:28, c'est-à-dire que le second « semi » a été couru 9.6% plus lentement que le premier « semi ». Un split équivalent sur un marathon en environ 3h20 serait  d’environ 9 minutes, ce qui me semble élevé puisque j’ai réussi par le passé un split à peine supérieur à une minute.

 

L’apport des mesures Garmin, par rapport aux pointages effectués et publiés par les organisateurs,  se limite à une fréquence plus élevée des points et à des relevés de fréquence cardiaque. Les distances mesurées restent entachées de la marge d’erreur du GPS. J’en tiens compte en appliquant un facteur correctif uniforme à toutes les distances mesurées, et défini comme étant le rapport entre la vraie distance officiellement mesurée, à savoir 100 km, et la distance finale relevée par le Garmin, soit environ 101.5km (ce qui correspond à une erreur de 1.5%). Les mesures Garmin permettent une analyse fine de l’évolution des différentes variables de course, et permettent en particulier, du moins en principe, de distinguer les portions courues, les portions marchées et les moments passés à l’arrêt. Dans l’idéal, je chercherais (mais je ne perds pas de temps à le faire)  à quantifier les portions effectivement à l’arrêt, que je n’avais pas ou peu anticipées dans ma stratégie de course formulée sur le papier, afin de réfléchir à des moyens de les réduire dans des courses futures. Le moyen le plus évident consiste à faire coïncider le passage à chaque ravitaillement avec une portion marchée, et à éviter de s’arrêter au ravito, ou alors juste quelques secondes pour saisir solide et liquide au vol.

 

Le découpage en laps de 9 minutes courues et d’une minute marchée permet d’observer l’évolution de la vitesse de course et de la vitesse de marche au gré des kilomètres. Il faut se souvenir qu’à partir du marathon ou à peu près, j’ai cessé de contrôler l’allure moyenne depuis le début de la course, et j’ai donc couru aux sensations, avec un contrôle de l’allure seulement au tour, soit tous les 19.14 km.

 

Le graphique de la vitesse de course en fonction de la distance de course est le suivant :

 

Vitesse_course-copie-1.JPG

On observe une tendance à la baisse après le passage au marathon. Certain laps montrent une vitesse bien basse, due à des arrêts aux ravitaillements et des passages marchés comme la montée des ponts de chemin de fer.

 

Le graphique de la vitesse de marche (lors des sections marchées d’une minute) en fonction de la distance de course est le suivant :

 

Vitesse_marche.JPG

 

On remarque une baisse progressive de la vitesse de marche de 7 km/h en début d’épreuve à 5 km/h dans les 20 derniers kilomètres. Certaines portions qui auraient dû être marchées ont été courues car elles étaient proches d’arrêts à un ravitaillement.

 

Le graphique de l’intensité de l’effort en fonction de la distance de course est le suivant :

 

Chart_FC.JPG

 

Je rappelle que l’intensité de l’effort est définie comme la fraction de fréquence cardiaque de réserve utilisée (j’utilise une FC au repos de 40 et une FC maximale de 165). Chaque barre du graphique correspond à la FC moyenne sur un lap de 9 minutes (course) ou bien sur un lap d’une minute (marche). On note l’alternance de FC hausses et basses, qui traduit l’alternance marche/course préconisée par la méthode Cyrano. On remarque aussi la montée de la FC jusqu’au marathon, lorsque j’atteins une sorte de vitesse de croisière euphorique, puis une baisse assez nette sur la deuxième moitié de la course. De manière générale, le niveau élevé de la FC m’a beaucoup surpris. Lors de mes essais en Cyrano à l’entraînement, j’étais à une FC moyenne de 105-1110 bpm, soit une intensité de 50-55%.

 

Les conclusions que je retire de cette analyse sont les suivantes :

·        Je dois continuer à contrôler mon allure moyenne pendant toute la course sous peine de ralentir sans m’en rendre compte.

·        Je dois passer moins de temps à l’arrêt aux ravitaillements ou, mieux, je dois faire coïncider les portions marchées avec les arrêts aux ravitos.

·        Je devrais essayer de courir moins « en-dedans ». Pour un premier essai, l’essentiel restait pour moi de terminer, donc il me fallait être très prudent, d’autant plus que je ne me sentais pas en forme.

·        J’aimerais faire une nouvelle tentative sur la distance, de jour cette fois. Je devrais pouvoir profiter de la conjonction de circonstances spéciales pour courir les 100 km de Theillay (41) à la fin août 2011, mais en tant que candidat « open » de cette épreuve support du championnat de France des 100 km.

 

 

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commentaires

W
<br /> C'est tres interessant; j'ai bien aimé le passage sur les causes de tes baisses de regime, ou sur tes accelerations. Tout cela parait tres coherant et cest intelligent d'y reflechir.<br /> Il semblerait en effet plus raisonnable et moins douloureux de ne pas ou peu s'eloigner de sa vitesse moyenne, mais peut-être ceux qui ont eu des graphiques tres accidentés se sont plus amusés? Ou<br /> peut etre ont-ils moins souffert en gerant la course comme ca, qu'en penses-tu? (quoiqu'un depart en trombe semble vraiment inapproprié..)<br /> <br /> <br />
Répondre
F
<br /> <br /> J'ai une experience quasi inexistante de l'ultra, mais je crois avoir compris que la regularite est la cle de la performance.<br /> <br /> <br /> <br />
J
<br /> On aura donc plus ou moins le même objectif! Je partirai sur une base moyenne 11'15" / 45" soit plutôt 2 pauses de 30" entre les ravitos et 1' aux ravitos en ajustant avec les ravitos tous les 5<br /> km, soit 6 pauses marchées totalisant 4' par heure.<br /> <br /> Je vais courir en "configuration Spartathlon" équipé d'une ceinture porte bidon 500ml, et je prévois deux "drop bags" aux km 35 et 70 avec essentiellement des recharges pour la boisson<br /> énergétique.<br /> <br /> @+,<br /> <br /> Jean-Philippe<br /> <br /> <br />
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F
<br /> <br /> Je pense comme toi faire une portion marchee de 1 minute aux ravitos, j'hesite entre une et deux portions marchees entre deux ravitos successifs. Je vais courir en configuration 'touriste qui<br /> fait integralement confiance a l'orga et aux ravitos', pour etre le plus leger possible. Mais s'il fait vraiment chaud, alors la je ne reponds plus de rien. La marche sera mon amie...<br /> <br /> <br /> Cordialement, FX<br /> <br /> <br /> <br />
J
<br /> Salut FX, très complet et instructif ce CR.<br /> Heureux de savoir que l'on se verra à Theillay. Quel sera ton objectif là bas?<br /> <br /> <br />
Répondre
F
<br /> <br /> Salut JP, si la meteo est clemente, je vise 10h a 10h15. S'il fait chaud, je me contenterai de tenter de rester sous les onze heures. Je n'ai pas encore decide de mon entrainement ni de ma<br /> strategie de course. Je modifierai tres certainement la methode Cyrano employee a Steenwerck pour courir un peu plus.<br /> <br /> <br /> <br />

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  Steenwerck 2013 11:42:04
  Tooting Bec 2013 10:15:20

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